Favoriser l'ancrochage en travaillant sur l'amélioration du climat scolaire: l'expérience régionale des Hauts de France
Lancée en Hauts-de-France dès l’année scolaire 2015-2016, la dynamique a pris pour point de départ l’enquête(VCS) réalisée par l’Observatoire Européen de la Violence à l’École, sous la direction d’Éric Debarbieux, chercheur. Cette démarche a pour objectifs d’améliorer la réussite scolaire, le bien-être des élèves et l’ensemble de la communauté éducative mais aussi de réduire les inégalités et lutter contre toutes les formes de discriminations.
En janvier 2017 un colloque régional organisé réunissant 250 personnes a présenté un point d’étape de la démarche. Au programme : présentation des politiques éducatives de la DGER, présentation des premiers résultats, regards croisés entre la démarche régionale et l’action nationale Ancrochage, retour d’expériences d’établissements inscrits dans la démarche.
- La professionnalisation des équipes
- La restitution des enquêtes VCS a été réalisée par des chargés de mission du SRFD et s’est accompagnée d’une volonté de professionnaliser les équipes.
Chaque site a alors proposé une équipe « Climat Scolaire » composée de personnes appartenant aux différentes communautés éducatives de l’établissement, le climat scolaire est l’affaire de tous et pas seulement de la vie scolaire. Ces équipes ont pu ainsi bénéficier d’un « parcours de professionnalisation » réfléchi en amont par les Pôles Animation des Territoires du SRFD et FORMCO (formation continue) et visant à donner des outils pour construire des cadres qui favorisent les apprentissages. Les élèves apprennent mieux s’ils se sentent bien. Ce parcours s’est composé tout d’abord de formations telles que : « la discipline positive », « les espaces dédiés et l’Ancrochage », « Communiquer avec l’adolescent » ou encore « La régulation des conflits ».
Dispositif au cœur de la démarche régionale Climat scolaire et expérimenté parsupagro Florac depuis 2016, au LPA de Dunkerque, qui vise à former les apprenants et les adultes de la communauté éducative à la gestion de conflits et aux techniques de médiation. https://enviescolaire.fr
Le SRFD a choisi d’étendre cette méthode à d’autres établissements volontaires, au moins sur le volet 1 « régulation des conflits » qui consiste à travailler sur les émotions et les compétences psychosociales. Il s’agit de former les équipes qui formeront ensuite les apprenants. En 2019, une équipe de Dunkerque (D2, CPE, enseignants, accompagnée de la chargée de mission politiques éducatives du SRFD), s’est rendue à Florac pour créer le site internet « bien vivre ensemble ça se cultive » Ce site formalise la démarche « Médiation par les pairs » et en donne les outils pour les établissements qui souhaitent la mettre en place.
Lutte contre les discriminations
L’enquête « Victimation et Climat Scolaire » a révélé par ailleurs des comportements discriminatoires allant à l’encontre du principe d’égalité et portant atteinte à la dignité de la personne. Le SRFD s’est rapidement saisi de cette problématique qui s’inscrit dans les priorités ministérielles du MAA, notamment le plan de lutte et de prévention contre les discriminations. En choisissant de faire appel à une compagnie de théâtre (2019-2020) ayant une longue expérience sur le sujet, une déclinaison en deux formats a été proposée par « La compagnie Idéale » : une représentation théâtrale à destination des apprenants et des équipes éducatives suivie d’un débat puis une formation de (personnes/ établissement) avec apports et outils pédagogiques qui s’est intégrée dans le parcours de professionnalisation de la démarche climat scolaire.
- Expérimentation basée sur les principes de la discipline positive
- Groupe de travail ancrage scolaire
- EIE type « bien vivre ensemble »
- Nouveaux projets vie scolaire : Repenser les espaces
- Pratique de la méditation
- Nouvelle organisation à l’internat, séances sur la régulation des conflits
- Projet médiation par les pairs
- Réalisation d’une plaquette sur la démarche (Avril 2018)./Mai 2018
- Organisation d’un séminaire régional sur la réussite scolaire
- Lettre n°1 du réseau national Insertion-Egalité
Myriam Demailly, Chargée de mission Insertion Egalité Hauts de France
Retour d’expériences du pôle AEVA – SRFD AURA
La question du décrochage scolaire
Derrière le terme « décrochage scolaire », plusieurs réalités coexistent : le désengagement et la démotivation de certains apprenants, conduisant à différents résultats :
- Alors même qu’ils sont sous obligation scolaire, certains apprenants s’installent dans l’absentéisme jusqu’à un arrêt total de la fréquentation scolaire sans pour autant démissionner.
- D’autres plus âgés, soumis à l’obligation de formation, actent des démissions en cours de cycle, sans retour possible, sous des motifs sur lesquels il paraît impossible d’agir.
Dans le cadre du suivi de la scolarité et de la lutte contre le décrochage scolaire, notre pôle AEVA (Action éducative et vie des apprenants) a choisi de traiter collectivement « les sorties de formation » pour produire des réponses enrichies de nos différents regards spécifiques à chacune de nos missions. Les phénomènes de sorties du système éducatif en cours de formation – mais aussi d’entrée en cours de formation – semblent ne plus correspondre à une période relativement circonscrite au premier trimestre de l’année scolaire, comme nous le constations il y a quelques années ; nous observons un turn-over permanent au sein de nos établissements. Toutes les situations ne sont certes pas problématiques, elles peuvent correspondre à des changements d’établissements pour déménagement ou suite à une exclusion disciplinaire, ou répondre à un besoin réel de changement d’orientation. Mais certains cas relèvent davantage d’une rupture lente mais progressive avec l’école qui se traduit par des changements d’établissements ou de formation sans réel projet scolaire et professionnel construit.
Nos choix d’action en 2021-2022 :
- Nous avons en préambule à nos actions repositionné la question du décrochage scolaire comme une des priorités de l’équipe ; un courrier de la cheffe du SRFD a été adressé aux directeurs des établissements publics et privés (hors MFR à ce stade) les invitant à désigner un référent décrochage scolaire (nommé « RDS ») pour constituer un réseau régional animé par le SRFD
- Parallèlement, nous nous sommes intéressés à la manière dont étaient prises en charge ces ruptures dans les établissements ; une première « urgence » est ainsi apparue, celle de ré-insister sur la sécurisation du parcours des décrocheurs avant qu’ils quittent définitivement les établissements et « disparaissent » des radars.
Trois directions ont été prises pour satisfaire cet objectif.
1- Resserrer les liens avec les partenaires de l’Education nationale entre autorités académiques et au niveau des bassins de formation
Nous avons travaillé avec la DRAIO pour affiner le protocole de prise en charge du décrochage en lien avec les PSAD dans le cadre de SIEI, ainsi que pour le traitement des situations en cours d’année. Parallèlement, le renforcement de ce lien de travail nous a permis de collaborer sur des actions de formation de nos personnels, durant la semaine de la persévérance scolaire notamment.
Un protocole de signalement lié à l’obligation de formation des 16-18 ans a été transmis aux établissements d’enseignement agricole, avec les coordonnées locales des PSAD (CIO et ML) pour s’assurer qu’aucun jeune ne reste sans solution. Pour les moins de 16 ans, nous avons rappelé la démarche en lien avec les DSDEN pour l’obligation scolaire et le suivi des jeunes jusqu’à leur réinscription dans un autre établissement scolaire.
2- Repositionner les enjeux de FREGATA et d’une saisie en temps réel des départs, parallèlement aux différents types de signalements à faire en fonction du profil du jeune
FREGATA est un outil qui permet aux établissements de saisir de nombreuses données sur les apprenants. Le SRFD peut retrouver ces informations selon les besoins, voire exploiter des données pour suivre les évolutions, notamment en termes d’entrées et sorties du système. Cependant, les établissements ne saisissent pas toujours les entrées et sorties en temps réel, et les données saisies sont parfois imprécises.
Notons ici que des évolutions de l’outil FREGATA pourrait permettre au SRFD de jouer pleinement son rôle de pilotage. La présence d’une case précisant si la sortie est liée à une démission ou à une exclusion par exemple, ainsi qu’une évolution des propositions de motif de sortie pourraient permettre de mieux cerner les problématiques locales et globales. De même, la possibilité d’extraire des données chiffrées des flux par établissements/départements/composantes/niveaux de formation et spécialités serait tout aussi intéressante en matière de pilotage pour l’autorité académique.
Enfin, le sujet de l’accompagnement des équipes sur les outils numériques de gestion est important ; bien souvent nous (en SRFD) ratons notre cible en donnant les informations aux mauvais interlocuteurs (les directions d’établissements). Dissocier le stratégique et la technique, trouver la bonne cible à nos informations, et mieux faire comprendre pourquoi une saisie bien réalisée est importante semble aujourd’hui essentiel. Cependant, les retours des établissements sont aujourd’hui très souvent identiques : les outils techniques sont de plus en plus complexes et de plus en plus preneurs de temps sans pour autant apporter une plus-value au terrain en termes de gestion et de suivi des apprenants et des politiques.
3- Accompagner les établissements dans des recherches de solutions encadrées et sécurisées d’un point de vue réglementaire
Pour chaque jeune en situation de risque de décrochage scolaire, nous constatons que la plupart des établissements recherchent toutes les solutions pour accompagner les jeunes, y compris lorsque la question de la réorientation se pose. Or les différents acteurs locaux de lutte contre le décrochage scolaire proposent chacun des dispositifs et outils de prise en charge des décrocheurs ; mais ces dispositifs s’adressent bien à des jeunes qui ont réellement décroché et ne sont plus scolarisés. Il est donc impératif de guider les établissements dans ce qui peut être organisé pour une jeune qui est proche du décrochage mais reste inscrit en formation et relève donc toujours de la responsabilité du directeur de l’établissement : quelle adaptation de l’emploi du temps, quelles séquences de découverte de nouveaux métiers et où, quelles conséquences sur la complétude de formation, quelles responsabilités des parents et de l’établissement, etc. Dès qu’un parcours doit être adapté pour un jeune, il faut cadrer l’action de l’établissement pour lui laisser la possibilité d’expérimenter des solutions tout en sécurisant les actions mises en œuvre dans le cadre de l’ensemble des dispositions légales existantes.
Après la réaffirmation politique de la priorité donnée à la lutte contre le décrochage scolaire et l’accompagnement technique et éducatif des équipes (protocole, outil numérique et réseaux), le troisième niveau d’intervention a été de proposer des temps de formation/échanges de pratiques. Nous avons ouvert une période de formation en visio, sur inscription libre, en mobilisant en priorité nos réseaux : RDS, CPE et infirmiers.
Un rendez-vous par mois appelé « Rendez-vous de la réussite » a été proposé de janvier 2022 à mai 2022 : sur la base d’une étude de cas à chaque « rendez-vous », nous avons exploré avec les présents (une vingtaine de participants chaque fois) les différents leviers à activer pour avancer dans la résolution de situations complexes de jeunes en situation de décrocher (cas associant décrochage, remise en cause du projet, maladie, démobilisation…). A l’issue de l’heure d’échanges, le diaporama support était complété de ressources en lien avec les pistes explorées et transmis aux participants.
Quelles suites pour l’année à venir?
Souvent, sous couvert d’essai d’accompagnement éducatif et pédagogique sans braquer le jeune, nous constatons que les situations qui nous sont rapportées ont progressivement abouti à une situation figée, avec une inscription maintenue mais des absences fréquentes voire complètes sans justificatif et une relation perlée avec la famille qui ne permet pas de renouer le lien à l’école. Les équipes sont elles-mêmes piégées dans cette relation où maintenir un lien conduit parfois à accepter l’inacceptable. Dans certaines situations, les responsabilités des familles, voire des établissements en termes réglementaire, peuvent même se poser (non-respect des obligations des jeunes et des familles, complétude de formation « approximative », comportement inadapté en stage, bourses maintenues sans présence, procédures disciplinaires mal maitrisées ou mal utilisées, décisions d’orientation mal gérées, accompagnement insuffisant).
En 2022-2023, notre pôle accompagnera les établissements par des fiches pratiques décortiquant tous les processus liés à la prise en charge des apprenants de leurs droits, de leurs devoirs et de leurs besoins tout au long d’une année scolaire.
Par ailleurs, à l’issue de cette année, il nous apparait que de nouveaux leviers doivent être activés. La stratégie d’outillage à la fois sur le plan administratif et pédagogique renvoie dorénavant trop souvent à une gestion au cas par cas voire au coup par coup. Si la prise en charge des situations individuelles est au cœur des préoccupations de la lutte contre le décrochage scolaire, il convient aussi de réinterroger la part collective de la communauté apprenante. L’enjeu, alors que nous sortons d’une période où les organisations ont été bousculées, est de remettre au cœur de nos pratiques l’apprenant au sein d’un système qui fait sens et qui structure les apprentissages et la vie dans l’établissement. La réaffirmation du cadre (règlement intérieur, assiduité, complétude de formation, apprentissage en collectif) apparait donc ici comme un paramètre important dans la prise en charge des situations de décrochage. Ce cadre réaffirmé permet aux acteurs de la communauté éducative de promouvoir des solutions de remédiation et d‘accompagnement adaptées à chaque cas mais dans un espace collectif stabilisé et renforcé, tant du côté des adultes que des apprenants.
Enfin, nous retravaillerons avec les établissements un objet spécifique à l’enseignement agricole : l’ancrochage scolaire. En relançant les établissements et les équipes sur des projets mobilisant le sentiment d’appartenance à l’établissement et la dynamique collective des apprenants et des personnels autour d’objets fédérateurs (développement durable, sport, culture, internat…), l’objectif sera de mettre en avant l’effet positif de l’ancrochage et de baisser le sentiment négatif de l’impuissance face au décrochage.
Agir en collectif dans les établissements et au niveau régional
La création d’un groupe de prévention du décrochage scolaire (GPDS) parait être une étape importante à l’initiative de la direction de l’établissement. Ce groupe marque l’approche collective et partagée des questions de persévérance scolaire et de la prévention du décrochage sous toutes ses formes. En effet, les causes des « abandons » étant multifactorielles, elles supposent d’être prises en compte à travers les regards croisés de plusieurs professionnels de la communauté éducative et ce dans une temporalité adaptée, ce que la constitution du GPDS permet.
Le travail du GPDS est double : à la fois un partage d’une démarche de compréhension et d’accompagnement des situations individuelles, et un lieu de réflexion pour orienter la politique éducative de l’établissement sur ces questions. Le GPDS, est alors un acteur parmi d’autres, qui peut mobiliser la communauté éducative sur des projets et des orientations pédagogiques de nature à renforcer l’ancrochage scolaire. Pour ce faire, le GPDS peut se voir confier trois missions :
- sécuriser les parcours des jeunes en construisant des partenariats efficaces avec les différents opérateurs territoriaux de l’accompagnement des jeunes décrocheurs. L’objectif est ici de garantir à chacun de nos apprenants que si la solution proposée en interne n’est pas viable, il pourra se réaliser ailleurs et autrement ;
- réaffirmer auprès de tous les acteurs de nos établissements qu’aucun jeune ne doit partir sans une solution (à minima un contact avec un opérateur de l’obligation de formation des 16 – 18 ans) ;
- proposer des actions pour inscrire toutes les équipes de l’établissement dans une nouvelle dynamique augmentant la persévérance scolaire, le sentiment d’appartenance, le climat scolaire et toutes les composantes de l’ancrochage (postures et pratiques pédagogiques et éducatives dans l’établissements, dans la classe et dans tous les lieux de l’établissement).
Pour conclure, on constate que la formation et le « co-développement » des personnels ont un rôle essentiel pour lutter contre le décrochage scolaire. Ce processus de formation/développement peut emprunter différentes voies qui se complètent et s’enrichissent :
- formations individuelles des agents (via les formations FORMCO régionales ou nationales) sur des thématiques variées, touchant autant à la pédagogique ou à l’accompagnement à l’orientation qu’à la connaissance des publics adolescents et des publics à besoins éducatifs particuliers ;
- formations collectives sur site à la demande de certaines équipes ou de certains chefs d’établissements pour impulser et accompagner des démarches locales propres ;
- échanges de pratiques et partages d’expériences réussies entre établissements ;
- temps d’information et d’études collectives de cas types pour explorer toutes les causes possibles du décrochages, tous les signes à prendre en compte et tous les leviers actionner pour ramener les jeunes vers la réussite et l’engagement dans les apprentissages, quelles que soient les difficultés à la source de leur décrochage.
Sonia Rougier, cheffe du Pôle Action Educative et Vie des Apprenants (AEVA)
Emmanuelle Rosnet,chargée de mission Réussite des apprenants, (pôle AEVA)
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