Penser et comprendre les phénomènes de harcèlement




Pour Hélène Romano,"un enfant a besoin pour grandir sereinement de liens d’attachement secure et nous constatons actuellement une génération « d’ orpheliens », à savoir des enfants et des adolescents sans adulte psychiquement présent pour les aider à grandir."..." Cela peut conduire à une violence interne susceptible de se traduire par des passages à l’acte sur soi-même ou sur les autres, dont leharcèlement.…..au-delà des blessures qu’il inflige et qui peuvent être constatées à travers des traces, le harcèlement est avant tout une blessure psychique invisible qui atteint l’humanité de celui qui le subit, mais aussi de celui qui l’agit. Car en agressant un autre tout individu transgresse cette obligation tacite qui existe au sein de tout groupe social à savoir le respect de l’altérité. Cette attention à l’autre qui nous permet de ne pas se blesser. Dans les cas de harcèlement comme dans toute maltraitance et toute violence, l’autre n’existe plus. Il est réduit à l’état d’objet dans une sorte de loi du tout ou rien, dans une logique mortifère de « ou c’est lui, ou c’est moi ». Ce qui permet de comprendre qu’il existe plusieurs profils de harceleurs mais aussi qu’un élève harcelé peut aussi devenir un harceleur et réciproquement. …(1 enfant harcelé sur 2 a été harceleur ou va le devenir)
L'éthymologie du terme harceler ("herser"=torture)) nous renvoie violemment à la notion d'intentionalité chez l'auteur et aux conséquences de l'ordre des troubles post traumatiques chez les victimes, troubles souvent différés. Pour Hélène Romano,de son point de vue de psychothérapeuthe, partir de l'idée que c’est la parole qui va sauver le jeune harcelé est une erreur…c’est aux adultes de repérer (la victime se vit comme un objet)et de trouver leur place dans la (re-)construction du lien à l’autre, empathie transitionnelle de l’adulte

Eric Debarbieux,lui, explique que les méta-analyses ne montrent pas de programme universel efficace." Contre le harcèlement il faut du sur mesure sinon on a des déceptions". Et il rappelle que la façon dont est mis en place un programme est aussi importante que le programme lui-même.

Le sociologue Benjamin Moignard rapelle de même que "Le climat scolaire, c'est d'abord une affaire d'adultes".Pour lui "massivement c'est la stratégie d'équipe qui permet d'agir sur le climat scolaire. C'est à dire leur stabilité et la qualité du travail collectif. La qualité du climat scolaire va dépendre d'abord du travail en commun des enseignants... Le harcèlement gangrène notre société... Pour apaiser notre société, c’est donc dès le plus jeune âge que nous devons intervenir. Tolérer la violence à l’école, c’est l’ancrer dans le développement des enfants et, en conséquence, la cautionner dans la société des prochaines décennies. À l’inverse, prôner, dès le plus jeune âge, l’empathie et les principes du vivre-ensemble, permettrait aux adultes de demain d’adopter des comportements plus respectueux de leurs pairs et des leviers de communication non violente".""

La problèmatique spécifique du cyber harcèlement:
Le cyberespace renforce la sensation d’impunité. Déconnectés physiquement de leurs victimes, les jeunes harceleurs sont dégagés de toute culpabilité, ne voyant pas l’effet de ce qu’ils disent produit sur l’autre.
Le cyber-harcèlement fait participer des jeunes qui n’auraient pas harcelé de manière classique « tout simplement car ça ne coûte rien de taper trois insultes et de cliquer pour liker une image dégradante ». D’après Catherine Blaya, interviewée sur France Inter, ces actes de cyber-harcèlement sont le fruit de « l’effet cockpit ». Cette expression, utilisée lors de la Seconde Guerre Mondiale, désignait la facilité des soldats à larguer anonymement des bombes depuis des avions. « Ils n’avaient pas l’impression de lâcher des bombes sur des êtres humains » explique-t-elle. Sous couvert d’anonymat, et seuls derrière leurs écrans, les jeunes n’ont pas l’impression de s’attaquer réellement à des personnes ou bien ont plus de facilité à le faire.